Coriolan PAUNESCU : NOUS SEULS

 

L’hiver est là, ma bien aimée,

mais tu n’allumes pas l’arbre de l’amour –

ne te réjouis-tu pas du froid et de la neige ?

l’air est en train de se rafraîchir

et je vais, déambule nu-pieds dans la rue.

Si tu veux, on peut même danser

sur la musique neutre et immaculée

des sphères que comportent ma vie et ta propre vie

deux fous évadés (pareils à deux oiseaux

de proie).

Allez, viens, personne ne connaît le prix énorme

auquel on a mis nos âmes

et personne ne fait de nous les prisonniers

de nos paroles,

nous voilà donc libres, pareils à deux étoiles bleues.

L’hiver est là, ma bien-aimée,

et l’on danse librement sur les flocons de neige

et l’on peut arrêter (en mômes  écervelés)

n’importe quelle étoile dans sa course anonyme.

L’hiver est là, ma bien-aimée,

mais tu n’allumes pas l’arbre de l’amour –

ne te réjouis-tu pas du froid et de la neige ?

Ma bien-aimée, sous peu aura lieu

le défilé du plus beau cortège.

 

PAREIL À UN FER DE LANCE

 

Ce monde nôtre, fait de béton et de verre,

notre milieu ambiant de tous les jours –

comme dit mon ami, en me poussant du coude,

est loin de me venir comme un gant.

C’est un vêtement inconvenable et trop pesant

pour mes épaules comblées, accablées

par la moralité.

Ce monde fait seulement de béton et de verre,

une sorte de sublime carapace de l’être,

met du plomb dans les ailes de mon âme

en me noyant dans la cohue

du commun du mortel, écrasé par celle-ci

dans notre monde ici-bas, dans lequel cet ami à moi

rit étrangement, comme un amant trompé, ou bien

comme une paillasse mécanique.

Ce monde n’est pas mon monde à moi

de même que n’est pas mienne l’éternité du béton,

non plus que celle du verre, que franchissent mes pensées

comme un fer de lance transperçant la nuit du cauchemar

des insurgés.