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Anne-Marie LOISEAU

 

 

 

 

PORTRAIT

 

 

’était un bel homme, blond, les cheveux ondulés, les yeux bleus, d’une belle prestance dans son complet impeccable, le plus souvent coiffé d’un chapeau, droit comme un « i ». Il inspirait le respect. Il était aussi un homme d’honneur, un homme de parole. D’un abord froid, il dissimulait soigneusement un cœur gros comme ça.

            Il avait grandi avec une mère veuve dont l’unique préoccupation était de remplir copieusement les assiettes de mets délicieux. Le reste, il l’a appris tout seul : une éducation irréprochable, une politesse exquise. Et une gentillesse inépuisable.

            Mais ce dernier trait, il l’occultait avec soin derrière sa carapace de chef de service d’une grande banque parisienne. Tout comme il cachait de son mieux une sensibilité et une émotivité maladives. Ce qu’il prenait pour une faiblesse était au contraire ce qui le rendait pleinement homme ; je veux parler de son humanité dans tous les sens du terme.

            Il exécutait les tâches afférentes à ses fonctions avec le plus grand sérieux et toutes ses compétences que personne n’aurait songé à mettre en doute. Ses employés le définissaient ainsi : sévère, mais juste. Et il était aimé et respecté dans son service de plus de 200 personnes.

            Il travaillait presque douze heures par jour, plus le samedi matin. L’après-midi, au lieu de se reposer, il la consacrait à rendre visite à sa mère. Il n’aurait pas voulu manquer ce rendez-vous hebdomadaire qu’il considérait comme de son devoir et, pour lui, le devoir était sacré.

Mais sa fille, qui n’était pas dupe, le rejoignait deux heures plus tard pour le libérer, car ensuite –  et elle le savait – il pouvait enfin flâner sur les quais de la Seine : c’était là son seul moment de vraie détente, de bouquiniste en bouquiniste, et il revenait rarement sans avoir acheté un ouvrage ou même une gravure car il était aussi grand amateur d’art.

Mais c’était surtout un féru de littérature. Il faut dire qu’il était fils et petit-fils de libraire, à Givet, dans les Ardennes.

Les livres étaient sa passion. Il aurait rêvé d’être libraire comme ses ancêtres, ou bibliothécaire, ou encore conservateur de musée. Mais à l’époque où il fut en âge de chercher du travail, il ne trouva d’emploi que dans la banque et y resta quarante ans…

            Au début, il trouva ce travail bien fastidieux puis, à mesure qu’il montait dans la hiérarchie, ses tâches devinrent de plus en plus intéressantes et il finit par l’aimer, ce travail qu’il n’avait pas choisi.

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